Je voulais aller voir le film "There's
something about Mary", mais je ne me faisais aucune illusion. Je
savais que c'était une comédie américaine, succès
de l'été 1998, et je ne m'y serais jamais intéressé
si je n'avais pas su que Jonathan
Richman et son batteur Tom Larkins (qui a joué dans Naked Prey,
Giant Sand et The Band of Blacky Ranchette)
y apparaissaient à plusieurs reprises.
Ils étaient déjà dans "Kingpin", le précédent
film des frères Farrelly, mais simplement en tant que groupe qu'on
voyait jouer dans quelques scènes (je n'ai pas vu le film, qui n'a
pas dû être distribué en France, et les titres de Jonathan
n'ont pas été repris dans la bande originale du film). Pour
"mary", d'après les articles, le rôle était
un peu plus conséquent, puisque Tom et Jonathan servent un peu de
fil rouge au film, apparaissant en contrepoint de l'action pour la commenter.
Ils ont, d'après les fiches techniques, le rôle d'un choeur
grec (j'imagine que ça fait référence aux tragédies
classiques, mais il ne faut pas trop m'en demander à ce sujet !).
Le film est donc sorti cet été aux Etats-unis, et j'ai commencé
par commander le CD de la bande originale du film. Cette fois-ci, on y retrouve
certains des titres joués par Jonathan dans le film (mais pas tous),
la chanson-titre du film (avec un arrangement de cordes quasi-hollywoodien
signé Ned Claffin, qui a souvent enregistré avec Jonathan),
"True love is not nice", un titre qui, comme souvent ces temps-ci,
pourrait être une synthèse du style Richman,
et une nouvelle version, très courte et très bonne, de "Let
her go into the darkness" : un couplet et un refrain de 15" chacun,
et 30" de solo de guitare saturée, comme Jonathan n'a pas dû
en enregistrer beaucoup depuis vingt ans. Pour le reste du CD, on a droit
à l'habituelle compilation attrape-tout qu'on nous sert depuis quelques
temps en lieu et place des véritables bandes originales de film,
avec des titres qu'on parfois pas plus de 5" dans le film - mais qui
peuvent aider à faire vendre le CD et le film : des tubes récents
(Dandy Warhols, Propellerheads), des plus anciens ("Build me up buttercup"
des Foundations, "Is she really going out with him ?" de Joe Jackson),
et quelques sous-fifres placés par les éditeurs qui ont cédé
les droits (Zuba, Ivy), et quand même un titre de Ben Lee et un des
Lemonheads (mais pas des inédits !).
Avec ce CD et après avoir lu quelques critiques, je ne m'attendais
donc à rien de particulièrement bon en allant voir le film
: une comédie commerciale plutôt beauf avec de grosses ficelles
et du rire gras ("Con et encore plus con" comme le dit le titre
du premier film des frères Farrelly). En équivalent français,
j'imaginais quelque chose entre Jean-marie Poiré et Gérard
Oury, pour vous dire.
Malgré tout ça, je suis allé voir le film - pour Jonathan
Richman et Tommy Larkins, donc - et je ne regrette pas. C'est un film aussi
idiot que ce à quoi je m'attendais, et c'est pas donné tous
les jours de rigoler autant, au cinéma ou ailleurs.
Notre duo de musiciens apparait à cinq ou six reprises (en vendeurs
de hamburgers, en néo-Maurice Chevalier, costumés en joueurs
de flamenco, etc), mais si vous devez voir ce film un jour, que ce soit
en salle ou sur cassette dans quelques mois, faites comme moi, arrangez-vous
pour le voir en version originale : j'avais été alerté
par ce fan allemand qui s'est précipité pour voir le film
à sa sortie, et qui aux premières images a entendu... un acteur
allemand qui double les chansons de Jonathan pendant tout le film ! Et c'est
pareil en France, bien sûr : con et encore plus con ! Mais je confirme
: maintenant que j'ai vu le film, je le trouve bien meilleur qu'avant de
l'avoir vu ! (c'est peut-être à cause de Mary...)
Quelques semaines après le succès du film, et après
avoir écumé pour la promo du film les plus grandes émissions
télé américaines, avec Cameron Diaz, Jonathan Richman
a sorti son nouvel album, "I'm so confused", avec, pour
la première fois je crois, un producteur renommé, Ric Ocasek,
originaire de Boston lui aussi, ex-Cars et producteur notamment de Suicide
(le génial "Dream baby dream" et le deuxième album)
et d'Alan Vega.
Réputé pour un son commercial et plutôt synthétique,
Ric Ocasek n'a pas bousillé l'album de Jonathan, contrairement
à ce que craignaient certains fans. Mais c'est vrai qu'il lui a donné
un son qui devrait lui permettre sur certains de ces médias
commerciaux qui ne risquent pas de s'intéresser aux titres
enregistrés par Jonathan en solo à la guitare sèche.
Pour ces sessions, Jonathan Richman a réenregistré "There's
something about Mary" et "True love is not nice", mais le
label, qui avait mis les deux titres sur les CD promo de l'album, a finalement
enlevé "Mary" pour éventuellement le sortir en single
plus tard. La version de "True love", avec sa rythmique reggae,
est très bonnetout comme la nouvelle version de "When I dance",
une chanson sortie la première fois en 1986 sur l'album "It's
time for Jonathan Richman and The Modern Lovers". L'autre réenregistrement
concerne "Affection", un des grands classiques de Jonathan Richman
sorti à l'origine en 1979 sur l'album "Back in your life",
une chanson dépouillée qu'il est très difficile de
retoucher tellement on connait l'original par coeur.
Comme les deux précédents disques, "I'm so confused"
n'est pas un disque très gai. La chanson-titre, très bonne,
donne un peu la tonalité. Les morceaux enlevés, comme "The
night is still young" et "The lonely little thrift store",
ne sont pas gais pour autant, et comme avec "Floating" sur "Surrender",
l'album précédent, "I can't find my best friend"
clôt l'album magistralement, mais quasiment sur une note de désespoir.