J'aime beaucoup Grandaddy. Même après leurs premiers succès, Jason Lytle continue à vouloir produire et enregistrer lui-même tous ses disques (même si, à mon goût, "The sophtware slump" laisse un peu trop transparaitre le goût immodéré de Grandaddy pour du rock 70's progressif à la E.L.O, Alan Parsons ou Pink Floyd). Le groupe a un bon esprit : il suffit de se promener sur son site internet (le sien, pas l'autre, celui du label), de lire les petits livrets manuscrits photocopiés qu'ils publient à chaque tournée (disponibles sur le site), ou d'acheter "The windfall varietal", le CD qu'ils vendaient aux concerts cet automne (Jason explique qu'il a passé des heures à écouter de vieilles bandes, qu'il a un peu honte de certains trucs, mais qu'il est content de faire ça pour les fans qui les aiment assez pour venir au concert et acheter ce disque). En plus, ce qui ne gâte rien, le groupe travaille probablement lui-même et de mieux en mieux son graphisme (pochettes, site, projections en fond de scène).
Bref, comme je le disais, j'aime beaucoup Grandaddy,
mais ils me déçoivent beaucoup sur scène !
Je les ai vus en concert pour la troisième fois, à Lille le
8 décembre. Après trois ans de tournées, le groupe
a mûri, pris de l'assurance. Jason Lytle reste un leader probablement
très timide, mais un timide sympa. Pas le genre à pas décrocher
un mot et à tourner le dos au public. Plutôt le genre à
baisser la tête, parler dans sa barbe, remercier le public et s'excuser
dix fois pour les problèmes techniques (coupures de jus) qui l'ont
visiblement troublé et démoralisé en début de
concert.
Mais le problème reste le même que lors des précédentes
tournées : il semble que l'objectif du groupe soit de reproduire
le plus fidèlement possible les versions studio des morceaux ! Même
la reprise de Pavement, "Here", est
quasiment jouée identiquement note pour note comme il y a deux ans.
Et le fan se surprend à guetter les nouveaux morceaux (deux ou trois,
tout à fait dans la lignée de "Sophtware slump")
et les infimes variations des titres des disques ("A.M. 180" un
peu accéléré, un nouveau son de synthé ici ou
là...).
C'est d'autant plus rageant que la musique de Grandaddy, certes très
travaillée et bidouillée de longues heures en studio, n'est
pas "propre" : elle contient plein de sons bizarres, de bruitages
et de bricolages. On pourrait penser que le groupe, sur scène, poursuivrait
ses expériences, ferait de nouvelles recherches, tenterait des choses
au risque de se planter, improviserait... Mais non, on a l'impression que
les versions enregistrées sont un carcan intangible que le groupe
n'essaie surtout pas de secouer. On se demande même si Jason
Lytle, le sorcier en studio du groupe, ne se sert pas uniquement
de ses collègues pour reproduire ce que, manifestement, il ne peut
pas faire tout seul sur scène, n'ayant pas dix mains...
Je rêve d'un concert où Grandaddy arriverait sur
scène en ayant tout oublié, pour rejouer différemment
les morceaux qu'on adore, ou en improviser d'autres. Mais tout espoir n'est
pas perdu car Grandaddy a de bonnes fréquentations : Matt
Ward par exemple - qui ouvrait ce soir-là
pour Grandaddy et qui est passé de l'éclectrique à
l'acoustique et du solo au trio pendant ses quelques minutes de concert,
avec des tentatives et des expérimentations sonores - et surtout
Howe Gelb qui, en solo ou avec Giant
Sand, ne fait pas deux tournées ni deux concerts identiques.
Alors, puisque Jason admire Howe, et réciproquement, ils pourraient
s'entendre pour un petit stage de formation : une semaine à travailler
ensemble, suivie d'une application pratique : une tournée à
deux avec guitares, claviers, walkman, sampler et pédales d'effets...
Je suis sûr que Grandaddy en bénéficierait
par la suite, et je réserve d'avance mon billet ! Sinon, si rien
ne change, je serai condamné à me contenter des (très
bons) disques de Grandaddy.