Matt Ward & Laureline Prom avec Giant Sand à
Blois, octobre 2000. photo © 2000 Cathimini
Et pour trois soirs en plus ! C'était cette semaine, du 9 au 11 juillet, et, si Matt n'était pas en tête d'affiche, il était mieux qu'en vedette américaine puisque la star de la soirée, Norah Jones, l'a accompagné pendant quatre titres (récit du Monde ici). En fait, après avoir fait les choeurs sur un titre de "It's not too late", le dernier album en date de Norah Jones, Matt a été invité à l'accompagner pour sa tournée mondiale. Et comme l'album a été classé en tête des ventes dans 17 pays, dont les USA, le Royaume-Uni et la France, cela vaut à M. Ward de se produire sur les scènes et dans les festivals les plus prestigieux du globe. On est content pour lui, et on peut avoir une idée de ce que ça donne ici.
Depuis que son album "Duet for guitars #2" nous est parvenu cet été (voir chronique ci-dessous) avec plus d'un an de retard par rapport à sa sortie originale ultra confidentielle, Matt Ward n'a pratiquement plus quitté le devant de la scène en Europe. Et on ne s'en plaindra pas car, si je sacrifiais à l'horripilant jeu dérisoire des bilans de fin d'année, je serais bien content d'avoir une jeune révélation à mettre en avant, côte à côte avec un patriarche, Johnny Cash, et des valeurs sûres comme Giant Sand et Lambchop.
En septembre, deux jeunes labels entreprenants, 62TV
en Belgique et Les disques Mange-Tout
en France, ont sorti par chez nous "Duet for
guitars #2", avec un supplément inespéré,
le maxi "Scene from #12", qui contient
trois nouvelles chansons enregistrées plus récemment.
A ce niveau de qualité, on ne parlera pas de faces B ou de
titres bonus, tellement les trois titres sont bons. "Wild
minds", avec un son de basse en avant et une rythmique marquée
pourrait être du hip-hop ralenti et déchiqueté. Les
paroles évoquent des femmes qui ne veulent pas attendre et quelqu'un
qui se fait avoir par la beauté et par un/une abruti(e)...
"Carolina" est une ballade sur le
même thème que les "Etats d'âme
Eric" de Luna Parker ou l'"Ohio" d'Isabelle Adjani.
Avec le son trafiqué sur le deuxième micro, le sample de musique
classique qui se déclenche et la tonalité générale
d'enregistrement maison, on comprend rétrospectivement encore mieux
ce qui a intéressé Howe Gelb
dans la musique de Matt Ward.
Quant aux paroles, du style "Je marche à reculons vers l'endroit
d'où je viens, mais ce n'est pas assez et tu veux me faire courir",
avec celles de "Wild minds" et de
"Good news", - si elles sont un tant
soit peu autobiographiques - elles laissent penser qu'il a vécu au
moins une histoire d'amour à donner le blues. Mais on ne s'aventurera
pas plus sur ce terrain car, comme Matt
Ward l'explique lui-même dans la bio un peu délirante qu'on
trouve sur le site de 62TV,
"les événements précis qui sont ignorés
dans la bio sont justement ceux qui ont eu la plus grande influence".
Dans "Carolina", quand la deuxième
voix arrive, et quand Matt fait monter sa voix dans les aigus, comme il
aime visiblement bien le faire, on a le droit de craquer.
Le troisème titre, "Going away"
est aussi une balade acoustique très sombre et très belle.
Matt Ward & John Parish avec Giant Sand à
Evreux, octobre 2000. photo © 2000 Cathimini
Dès octobre s'est profilée la tournée "supergoupe" de Giant Sand, avec comme invités dans la formation John Parish, Candie Prune, et Matt Ward à la lap steel guitar. Ca m'a permis de faire la connaissance à Reims puis à Nantes d'un jeune homme réservé, plus petit que la photo parue dans Les Inrockuptibles quelques jours plus tôt pouvait le faire penser. Quand le programme du concert le permettait, Matt a fait la première partie de Giant Sand,ou joué quelques-uns de ses morceaux au cours du concert, comme à Nantes avec une bonne version de "Good news".
A peine la tournée finie,sortait "Come on beautiful", une compilation en hommage à Mark Eitzel lancée à l'initiative du leader de Willard Grant Conspiracy. Ce très bon disque - qui m'a fait aimer certaines chansons d'American Music Club alors que je n'avais jamais accroché aux quelques-unes que j'avais écoutées auparavant (mais il y a du beau monde sur ce disque, avec notamment Chris & Carla, Lambchop et Calexico) - a permis à Matt Ward d'étrenner sa lap steel sur disque, avec une version enlevée "Fearless", meilleure que l'originale pour moi, et pourtant c'est l'un des meilleurs titres de l'album "San Francisco" d'American Music Club.
Visiblement donc, Matt
Ward n'a pas dû avoir beaucoup le temps de souffler cet automne,
puisqu'en novembre-décembre il était à nouveau en tournée
européenne, sous son nom cette fois-ci, accompagné de Jordan Hudson et Tony Moreno,
en première partie de Willard Grant Conspiracy, Superflu,Grandaddy, et même en tête d'affiche
pour le concert de Reims à la M.J.C.
Claudel.
J'ai raté le début d'une première partie très
courte de Grandaddy à Lille, mais j'ai
quand même pu apprécier le goût d'aventure et de recherche
musicale du trio, avec ses harmonicas, ses bidouillages, ses prises de risque,
en grand contraste avec les têtes d'affiches,
dans ce grand hangar très plein qu'était l'Aéronef
ce soir-là.
La petite M.J.C. Claudel
n'était pas pleine trois jours plus tard, et on a eu droit à
un concert intimiste, aux ambiances allant du folk (Matt a même tenté
un rag instrumental à la guitare sèche non amplifiée)
à la pop électrique, avec notamment une reprise du "Pale blue eyes" du Velvet
Underground et une de Yo La Tengo.
Matt Ward à la M.J.C. Claudel de Reims, 11 décembre
2000. photo Pol Dodu
Pour clore cette année Matt
Ward, le dernier numéro d'Abus
Dangereux nous a gratifiés d'une interview du sieur Ward, et
aussi d'un inédit sur le CD qui l'accompagne, "Archangel
tale", encore une ballade qui met en avant la voix fragile de
Matt Ward, et qui annonce
le second album, "End of amnesia",
à sortir au printemps 2001.
Et pour ceux que les disques de Matt
Ward auraient rendu curieux, ils peuvent comme moi s'intéresser
à l'album de Rodriquez,
"Swing like a metronome",
sur lequel Jason Lytle de Grandaddy
et Adam Selzer (producteur de Matt
en solo) se partagent la production. Matt
Ward n'est pas le seul chanteur de Rodriguez,
et le groupe n'a pas le son bricolé et la fragilité des disques
solos, mais plusieurs chansons, et notamment "Teresa",
sont de bonne qualité, et très proches de celles sorties par
Matt Ward sous son nom.
Comme carte de visite pour se faire connaître du monde de
la musique, on fait pire! En effet, ce premier disque solo de Matt
Ward nous arrive via le label de Howe Gelb,
Ow Om (alors qu'on aurait pu parier, vu le
nom du label et vues les précédentes parutions, des disques
de Giant Sand et de Howe
Gelb, que ce label n'existait que pour sortir les productions pléthoriques
de son fondateur), tandis qu'en 1999, l'album de son groupe Rodriguez
était en partie produit par rien moins que Jason
Lytle, de Grandaddy. Et quand on connait
l'estime mutuelle que se portent Howe Gelb
et Jason Lytle, l'association de ces deux parrains
n'en est que plus alléchante pour le fan de hip-pop optimiste.
Pourtant, et la pochette et le titre de "Duet
for guitars #2" sont plutôt trompeurs. Le disque se présente
dans un bel emballage cartonné brut, mais avec une photo noir et
blanc quasiment gothique (un escalier inquiétant, un guéridon,
des poutres), et avec ce titre, je m'attendais plutôt à un
disque instrumental faisant avant tout la part belle aux guitares.
Et bien pas du
tout, évidemment! La musique de Matt
Ward n'a rien à voir avec Siouxsie et les Banshees ou Nine Inch
Pumpkins, et si le morceau titre qui ouvre l'album est bien un instrumental
à la guitare qui rappelle un peu Elizabeth Cotten, il n'y a qu'un
autre titre de ce genre sur les douze que compte ce court album d'à
peine une demie-heure. Et en fait de duos, Matt
Ward joue toutes les parties de guitares et les claviers, et il n'est
accompagné de son producteur, Adam Selzer,
que pour les quelques percussions et des parties de mandoline et de dulcimer.
Non en fait, ce disque fait partie de ceux qu'on dirait enregistrés
sous l'avant- porche des maisons en bois américaines : c'est un disque
de chansons pop/folk, rural, dans la lignée du Howe
Gelb solo d'Hisser, des meilleurs Sparklehorse
(les calmes) et de Will Oldham. Mes chansons
préférées sont les morceaux calmes, très lo-fi,
marqués par la voix fragile, presque cassée de Matt
Ward. Howe Gelb recommande particulièrement
le poignant "Good news" (il a raison, bien sûr), mais "Beautiful
car", "Who may be lazy", "It won"t happen twice"
et "Song from Debbie's stairs", sont également très
bien.
Les morceaux plus rapides et avec batterie, comme "Look me over",
"Scene from #12" ou "He asked me to be a snake and live underground",
pourraient être cousins de ceux d'un autre résident de Portland
(puisque que c'est là que M.
Ward semble s'être posé, après être passé
par Chicago, Seattle et la Californie),Elliott Smith,
tandis que le chant et les changements de rythme de "Fishing boat song"
nous rappellent Grandaddy.
Cet album, que Howe Gelb a donc décidé
de sortir en édition limitée sur un coup de coeur, est pour
l'instant uniquement disponible via le
site de Giant Sand. mais la bonne nouvelle pour les européens,
c'est que ce disque devrait sortir ici cet automne chez TV62/Les
disques mange-tout, précédé ce mois-ci d'un
maxi, "Scene from #12", qui contiendra trois nouvelles chansons.
Pour que notre bonheur soit parfait, il ne nous manque plus que l'annonce
d'une tournée européenne de Matt
Ward!
Duet for guitars #2, (Ow
Om & 62TV/Les disques Mange-Tout, album, 2000)
Scene
from #12, (62TV/Les disques Mange-Tout, maxi, 2000)
un titre (?) sur "Mute" (Hush recordings,
compilation, 2000)
Fearless sur "Come
on beautiful" (Bignight/Glitterhouse, album compilation,
2000)
Archangel tale sur "Le
CD Abus #57" (Abus Dangereux,
maxi compilation, 2000)
End of amnesia, (Glitterhouse
& 62TV/Les
disques Mange-Tout & Loose
& Future farmer, album, 2001)
Live music & the voice of strangers, (vendu
en tournée, album, 2001) (contient 4 titres enregistrés live
à Reims)
Contact : www.mwardmusic.com
Cashcrops & boxplots (LuLu, cassette,
1995)
Weren't a problem (Co-Dependent, 7" single,1997)
un titre (?) sur "Inbred : sounds of the San
Joaquin Valley" (Future Farmer, compilation, 1998)
Swing like a metronome (Devil
in the woods, album, 1999)