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26 novembre 2006 | ||
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Au fil des années, les trésors et les classiques plus ou moins cachés de la new wave sont peu à peu remis en lumière. Pas toujours par un succès public, mais au moins par le biais de rééditions CD plus ou moins confidentielles, et de plus en plus par le biais de jeunes groupes qui, une génération plus tard, s'inspirent de ces désormais vénérables aînés. Ces derniers temps, Family Fodder, Fad Gadget (mais ça n'a pas porté chance à Frank Tovey) et les Blue Orchids ont eu ce bonheur. Les Passions sont encore passés au travers, mais l'album des Silicon Teens est ressorti, et une compilation des Flying Lizards est en préparation depuis longtemps.
Mais s'il est un gars qui a très peu de chances de se voir rééditer, ne serait-ce que parce que quasiment jamais personne n'a jamais dû écouter son unique album, "Dust on the road", c'est Mark Beer. Oh, il n'est pas tout à fait complètement inconnu : un de ses singles, "Pretty", est sorti chez Rough Trade en 1981. Un très bon titre, à la ligne mélodique jouée à la basse (Mark Beer était bassiste à l'origine, semble-t-il, comme Julian Cope), avec une voix féminine en contrepoint. Ce disque a dû relativement bien se vendre, mais n'a pas figuré dans les charts indépendants anglais naissants. Il est sorti au Japon, et on le trouve sur des compilations Rough Trade en France et en Allemagne, mais malheureusement pas sur la compilation américaine (sortie plus tôt) ni sur la la fameuse cassette C81 NME/Rough Trade, dont le succès aurait pu lui permettre de facilement décupler sa renommée.
Il a bien dû signer un contrat d'édition musicale avec Rough Trade Music à ce moment là, puisque toutes ses chansons sont publiées par eux par la suite, mais le label lui-même n'a pas dû vouloir poursuivre l'expérience, puisque c'est sur My China Records, un label consacré à Mark Beer domicilié chez Rough Trade, qu'est sorti ensuite l'album "Dust on the road".
Il faut bien préciser que, si j'avais connu cet album à l'époque de sa sortie en 1981, entre mes disques de Costello, Devo, Magazine, PIL, Cure et XTC, je ne suis pas sûr que je l'aurais apprécié, même si j'aimais beaucoup "Pretty". D'ailleurs, quand j'ai fini par l'acheter en 1983-84, en soldes à la boutique Rough trade de Londres, je l'ai écouté une ou deux fois, j'ai repéré surtout les titres "Simple pleasures" et "Road to somewhere", et je l'ai ensuite remisé pour ne le sortir que de temps en temps pour passer ces deux titres à la radio. Il faut dire aussi que le nom du label (My China, donc) associé au n° de catalogue (Tao) et à certains titres ("Merciful heavens", "Peaceful near silent", "Litany"), tout cela dégageait une atmosphère, sinon de religion, mais au moins de mystique plus ou moins zen, qui a eu plutôt tendance à me rebuter. Et bien sûr, c'est précisément cette impression de calme, de zen, de sérénité qui se dégage de cet album, que j'ai appris à aimer des années plus tard, qui font la qualité et tout l'intérêt de ce disque. Mark Beer réussit là où par exemple Gérard Manset, avec l'album "Lumières", avait partiellement échoué. Et j'ai beau chercher pour trouver un disque qui respire autant le calme et le bonheur serein, je ne vois que le "Colossal youth" de Young Marble Giants, la chanson "Whatevershebringswesing" de Kevin Ayers ou "Sunday morning" du Velvet Underground.
La pochette de "Dust on the road" est des plus abstraites, même si on peut penser qu'elle illustre le plus directement possible la poussière sur la route du titre : c'est un simple dégradé de couleur du noir au blanc, avec le nom de l'artiste et le titre de l'album en blanc sur le noir. La photo de Mark Beer au recto contraste assez fortement avec l'image qu'on aurait pu se faire de lui avec le dépouillement de la pochette et de la musique : un grand gars blond aux cheveux fous, entre Syd Barrett et Kevin Ayers, une boite de bière à la main, une clope roulée entre deux doigts.
Musicalement, le disque est d'une grande homogénité. L'instrumentation est la même d'un bout à l'autre : basse est très présente, percussions, relativement peu de guitare, un peu de saxophone de temps en temps et du piano. Au niveau de la production et du mixage, chacun des éléments reste bien séparé l'un de l'autre. C'est le cas notamment avec le titre qui ouvre l'album, l'un des chefs-d'oeuvre du disque, "Road to somewhere" : on commence avec la basse, puis la voix entre en scène, puis un peu de percussion, et le morceau se termine avec un soupçon de guitare. Les trois titres suivants sont un peu en dedans, mais la face se termine très bien avec "Precious ones". Par contre, il n'y a aucun temps mort sur les quatre titres de la seconde face, qui s'ouvre avec l'autre grand titre du disque, "Simple;pleasures", le seul ici qui pourrait directement rappeler "Pretty". Le tout fait de "Dust on the road" l'un de ces grands albums méconnus, qui mériterait une seconde chance, comme ça a été le cas pour les Nick Drake, le "I am the cosmos" de Chris Bell ou le "Oar" d'Alexander 'Skip' Spence.
Plutôt qu'une simple réédition de l'album "Dust on the road", nous avons choisi de vous proposer dans notre collection "Non disponible" une rétrospective complète de la courte carrière de Mark Beer (j'ai oublié de préciser que Mark Beer n'avait enregistré qu'un maxi, jamais sorti, après son album, qui est passé complètement inaperçu), qui, outre l'album, reprend ses parutions en singles anglaises, ainsi que deux singles sortis en Belgique, qui amorçaient l'axe Angleterre/Belgique qui allait connaitre son heure de gloire un an plus tard avec Factory Benelux et Les Disques du Crépuscule.
Après cette aventure solo, Mark Beer a été membre du groupe "Sneezes in China... Deaths in Paris", plus expérimental, qui a apparemment tourné à Londres (dont une première partie de Bow Wow Wow !), à Paris et en Belgique, mais qui n'a pas sorti de disques.
Pol Dodu
PS : A l'automne 2006, le label Crippled Dick Hot Wax a édité "7" Up !", une compilation de singles anglais des années 1978-1982 qui s'ouvre avec le "The man man man" de Mark Beer.
cliquez sur les titres soulignés pour écouter des extraits de 30 secondes (en mp3) | MARK BEER : Recollections (a retrospective) 1 Road to somewhere 1 à 9 album "Dust on the road" (My China, TAO 001, 1981) Compilation par Pol Dodu, mai-juin 2002 |
Voir des photos de Mark Beer prises par le photographe belge Philippe Carly