INTERVIEW DE

MARIANNE DISSARD

REALISATRICE DU FILM

"DRUNKEN BEES"

CONSACRE A

GIANT SAND


(réalisée par courrier, septembre 1997)

Jusqu'à la sortie de l'album et la récente tournée d'OP8, c'était vraiment le désert pour Giant Sand en France. Et pourtant, c'est Marianne Dissard, une réalisatrice française, qui a réalisé en 1996 un documentaire sur Giant Sand, "Drunken bees".

Elle a bien voulu se prêter à une interview, réalisée par courrier en septembre 1997, et qui plus est, elle a gratifié les fans de Giant Sand qui n'ont pas eu l'occasion de voir le film (j'ai acheté mon exemplaire en vidéo NTSC chez CD Now) de la transcription complète des dialogues du film, en français et en anglais.

JUILLET 2005 : "DRUNKEN BEES" est réédité en DVD !
Marianne Dissard vient d'annoncer la réédition en DVD de "Drunken bees", avec des bonus (dont un clip de "Searchlight" datant de 1989)
C'est en vente pour 15$ plus le port (3$ pour les USA et le Canada, 5$ pour l'Europe).
Plus d'infos : www.drunkenbees.com ou mariannedissard@hotmail.com.

JULY 2005 : "DRUNKEN BEES" is reissued on DVD !
Marianne Dissard has just announced the reissue on DVD of"Drunken bees", with some bonus (including a music video for "Searchlight" from 1989)
It is on sale for 15$ plus shipping (3$ for the USA and Canada, 5$ for Europe).
More info : www.drunkenbees.com ou mariannedissard@hotmail.com.

The interview below, made in 1997, is in French, but you can find the complete transcript of the film dialogues here.



SOMMAIRE

1. Par quel concours de circonstances une réalisatrice française peut-elle se retrouver à filmer à Tucson, au fin fond de l'Arizona, un documentaire sur Giant Sand, groupe à peu près inconnu et très peu distribué par chez nous ???

2. Qu'est-ce qui chez les gens de Giant Sand t'a donné envie de réaliser ce reportage sur eux ?

3. Déjà au vu des disques, j'avais l'impression que Giant Sand fonctionnait autour d'une famille : la famille Gelb, mais aussi la famille de leurs copains, musiciens ou non, et des groupes de Tucson. Au vu du film, cette impression est renforcée, avec Patsy qui dessine sur scène pendant que le groupe joue par exemple. Est-ce que Tucson n'abrite pas avant tout une grande communauté musicale très soudée dont Giant Sand serait un des membres les plus importants ?

4. On a l'impression en voyant le film que les membres du groupe passent leurs journées à jouer de la musique. Est-ce vraiment le cas ?

5. On découvre dans le film, un magasin de musique incroyable, avec un nombre inimaginable de guitares d'occase dans une grande salle. Peux-tu nous en dire plus sur ce magasin, où apparemment Giant Sand et Rainer se fournissent ?

6. Je sais bien que c'est le style de reportage qui veut ça, mais est-ce que ce n'est pas un peu frustrant de réaliser un reportage sur un groupe de musique sans pouvoir y glisser quelques morceaux joués en entier ? N'aurais-tu pas envie de réaliser un 2e film sur un enregistrement studio ou un concert de Giant Sand ?

7. Avais-tu réalisé d'autres films avant 'Drunken Bees' ? As-tu d'autres projets de films ???

English abstract
Transcription en français des dialogues de "Drunken bees"
Original transcript in English of the dialogues in "Drunken bees"


1. Par quel concours de circonstances une réalisatrice française peut-elle se retrouver à filmer à Tucson, au fin fond de l'Arizona, un documentaire sur Giant Sand, groupe à peu près inconnu et très peu distribué par chez nous ???

Pour commencer, une histoire perso... comment j'ai rencontré les Sands.

Arizona, 18 Février 1989. Ça fait quatre ans que j'habite la banlieue de Phoenix en Arizona. C'est décidé, demain matin, je fous le camp. Direction plein ouest. Los Angeles. Je n'y connais rien ni personne mais je sais une seule bonne chose: je vais faire du cinéma.

Los Angeles, 19 Février 1989. Me voilà installée tranquille à deux rues de Hollywood Boulevard, dans l'appart' d'un musicien que j'ai rencontré hier soir au Sun Club, la seule scène décente de Phoenix. Généreux, le chanteur m'a offert les clefs de son appart' comme premier point de chute dans ma nouvelle vie et ville, le temps que lui et son batteur, John Convertino, terminent leur tournée à travers les States. J'ai pas vraiment accroché à leur musique hier soir. Faut dire que j'avais pas la tête à me caler les oreilles une seconde. Mais, ici, dans ce salon en forme de brocante, je ne trouve que du Giant Sand aux murs, sur le répondeur et dans les placards. Il y a une petite fille dans l'histoire. Sa photo trône sur le bureau art déco western, au milieu des factures, des bouts de textes sur des bouts d'enveloppes. Patsy. Je sors "The Love Songs" d'un carton rempli de cassettes. Je me cale dans la rocking chair. J'oublie les sirènes de flics qui saluent la descente de la nuit sur Los Angeles... Yepper !

Los Angeles, Septembre 1989. Je tourne mon premier court-métrage. Patsy et Howe, jours tranquilles à Hollywood, une guitare, une petite main qui dessine, le temps qui passe. Je me fais assassiner par le prof: pas un brin de structure narrative dans ce bout d'essai.

Et plus tard... Avec les Sands, on reste en contact. J'appelle de temps en temps, je passe les voir à Rim Rock, à Tucson, j'écoute leur musique, je filme des bouts de concerts...

Février 1993. Je demande à un ami de leur trouver une date à Paris. Ils jouent à La Loco à Pigalle, et dans un squatt le lendemain soir. C'est le milieu de l'hiver. Relevant du miracle pour les deux ou trois Sand accros avertis je ne sais pas comment de l'événement, le concert est un désastre pour nos Américains, grippés, frigorifiés, déprimés par cette ville trop chère, trop vide. Suite à cette première expérience, ils font une croix sur la France et la contourneront pendant des années.

Novembre 1993. Je balance un boulot de bureau en distribution de films (les "Inédits d'Amérique" d'Alex Cox, Jon Jost, Allison Anders, Jon Moritsugu, PJ Castellaneta... pour ceux qui les ont croisé dans leur salle Art Et Essai cette année là) en annonçant à ma patronne que ce que je veux vraiment faire dans la vie, c'est un documentaire sur Giant Sand en Arizona.

Juin 94. Je suis à Tucson avec un scénario teinté de Petit Prince de St Ex', une voiture et la compagnie de mon frère, Jean-Michel. Je cherche des sous pendant deux mois. Je piaffe de filmer. Je tourne et je monte une maquette du documentaire avec une petite caméra VHS. Elle fait beaucoup rire Howe and Co. Ils m'accordent leur confiance. Et j'obtiens aussi celle de Brad Singer, le patron d'Epiphany et Impact Records à Phoenix. Je passe chez lui un soir. Sur la table de sa cuisine, je compte les billets de 20 dollars. Je repars avec le budget dans une boîte à chaussure.

Nous commençons le tournage en plein Août. Il fait minimum 100 degrés F. depuis déja deux mois. En journée, on cuit souvent à plus de 120 degrés F. pendant les trois semaines du tournage. Dur sur le moral. Alors, notre équipe de deux prend le rythme de là-bas, le rythme des Sands. Mañana.

Un souvenir parmi beaucoup... Howe, Joey, John et Bill répêtent chez Joey. Acoustique. En cercle. Je filme depuis le centre. Je focalise sur Howe, qui est en train de glorifier sa guitare. Du viseur, je le vois faire soudain de drôles de mouvements. J'observe. Je filme en continu. J'essaie de comprendre ce drôle d'animal dans son processus créatif, ses gestes si particuliers, etc... Exaspéré, Howe finit par prendre le bout de la caméra et tout doucement lui impulser un mouvement vers la droite... Quésaco ? Il en a marre d'être filmé ? Mais non, tout simplement, à ce moment-là, Joey est divinement inspiré et sa basse suinte de glorieux oripeaux à la gloire du chaos maîtrisé sur l'instant. Bon, moi, je n'avais rien entendu de tout ça, toute occupée que j'étais à essayer de saisir Howe dans ses élans acrobatiques. Vous en retenez ce que vous voulez, mais moi, j'ai compris ce jour là que si Giant Sand est ce qu'il est depuis tant d'années, c'est que Howe ferait un superbe chercheur d'or.

Il me faut plusieurs mois pour terminer le montage de Drunken Bees, pour cause entre autres de plusieurs aller-retours en France, qui me permettent de "financer" le montage. Je "joue" dans une installation/performance de danse + vidéo, "Petit Intérieur, 5 Pièces", j'enseigne la vidéo à une centaine de chorégraphes à Lisbonne, etc...

Finalement, en Janvier 96, "Drunken Bees" est terminé. Il joue à Tucson quelques mois plus tard. Howe (le premier à avoir vu la version finale, qui l'a bien fait rire, soulagé) est venu jusqu'au pas de la porte du ciné ce soir là. Il n'a pas pu franchir le seuil. L'idée de se voir en grand écran... Modeste ? Timide ? Quien sabes .

2. Qu'est-ce qui chez les gens de Giant Sand t'a donné envie de réaliser ce reportage sur eux ?


Alors pourquoi j'ai remué ciel et terre pour faire ce film ? Pour pouvoir enfin écouter d'autres groupes ! Une sorte d'exorcisme. Non, sérieusement, c'est l'univers des Sands, les textes de Howe et ses jeux de mots impayables, la qualité visuelle, plastique de leur musique, toute une matière propice à laisser libre court à l'image. Je voulais un film qui soit un croisement entre Le Petit Prince de Saint x' et les westerns de Sam Peckinpah, surtout La Ballade de Cable Hogue. Ça faisait des années que j'écoutais leur musique. Je voulais comprendre pourquoi. Mais aussi, j'étais attirée par leur sérieux. Musiciens, ils le sont à chaque instant de leur vie, avec talent, avec humour, avec plaisir. Je crois que je cherchais, à ce moment-là, ma manière de faire des films, de vivre en faisant des images. Ils ont été, et restent pour moi, un modèle d'endurance et de cool.

3. Déjà au vu des disques, j'avais l'impression que Giant Sand fonctionnait autour d'une famille : la famille Gelb, mais aussi la famille de leurs copains, musiciens ou non, et des groupes de Tucson. Au vu du film, cette impression est renforcée, avec Patsy qui dessine sur scène pendant que le groupe joue par exemple. Est-ce que Tucson n'abrite pas avant tout une grande communauté musicale très soudée dont Giant Sand serait un des membres les plus importants ?


A Tucson, la musique est vivante. Elle vit dans les clubs (Hotel Congress, le plus fameux mais aussi The Airport Lounge, l'ex-Downtown Performance Center, le G-Spot et les bars de la 4ème Avenue... et ça, rien que pour le"white boys rock"), dans les maisons (les loyers ne sont pas encore chers, les maisons grandes), dans les hangars le long de la voie ferrée (des dizaines d'entrepôts abandonnés lors du déclin économique du centre, maintenant pour la plupart reconvertis en galeries, ateliers ou lieux de performances subventionnés par la mairie), dans les rues du centre ville (tous les deux samedis soirs, c'est le "downtown saturday night", où se pressent les yuppies débarqués des hauteurs de la ville pour se gargariser pendant quelques heures d'un cappucino et d'un bain de foule , les vendeurs de babioles new-age et les masseurs "on the spot", de vieux cowboys prêchants leur rockévangile sur un ampli portable entre deux feux rouges, les petits jeunes loups du moment relégués à l'écart dans une rue sombre pour cause de décibels pouvant heurter les mélodiques siropeseries de la chorale des enfants de choeur de Saint John. De Tucson, on connait, en Europe, les Giant Sand sous toutes leurs déclinaisons, le grand Rainer, les Doo Rag et leur rock de hâletements, peut-être Al Perry et ses cowboys ou les ex-Sidewinders mais il existe des dizaines de groupes qui réussisent aux Etats-Unis l'espace de deux ou trois ans. Les groupes se forment, se brisent, se reforment. Peu en vivent. Dans Downtown, ton barman est chanteur, ton cuistot batteur, ta serveuse poête. Oui, cette communauté est soudée (ainsi que l'a prouvé l'énorme élan de soutien moral et financier qui a suivi l'annonce de la maladie de Rainer), mais aussi petite, jalouse, cancanière. Il me semble que les Sands sont l'un des seuls groupes à réussir cet exploit de vivre de leur musique. Alors, ils sont forcément un peu mis de côté. Et puis ce Howe est tellement...bizarre, entend-on parfois quand on laisse traîner son oreille entre les verres de tequila du comptoir de la Tap Room de Hotel Congress. J'allais oublier que Paul McCartney a un ranch au bout de la ville, que Courtney Love vient parfois se refaire une santé dans l'un des ranchs/sana du proche désert, et que ce que je viens de décrire n'est qu'une infime partie de la scène musicale de Tucson. Je connais bien peu tout les grupos, les bandas, de tex-mex, chicken scratch, norteño et mariachis... qu'on n'entend au downtown qu'une fois par an lors des fameux "Tammies", les Victoires de la musique de Tucson, gigantesque week-end de musiques de toutes les communautés de la ville réunies au centre ville pour un concours d'envergure, les nuits les plus délirantes de l'année à Tucson, avec le jour des morts.

4. On a l'impression au vu du film que les membres du groupe passent leurs journées à jouer de la musique. Est-ce vraiment le cas ?

Oui, les membres du groupe passent leur temps à faire de la musique. Ils ont ce luxe, ils se sont donnés cette chance. Howe habite en face de chez Joey qui habite derrière chez John. Chez Joey, ils ont installé un petit studio. Howe a chez lui de quoi enregistrer à tout moment. Ils vivent de musique, tout leur est musique comme par exemple le litre de soda dans son verre plastique de chez Mac Do', improvisé caisse à résonnance pour les frottements de la paille dans le trou du couvercle.

5. On découvre dans le film, un magasin de musique incroyable, avec un nombre inimaginable de guitares d'occas dans une grande salle. Peux-tu nous en dire plus sur ce magasin, où apparemment Giant Sand et Rainer se fournissent ?

Le magasin de musique que l'on aperçoit dans Drunken Bees, c'est le Chicago Store. Célèbre pour avoir été matière à scène dans le film "Alice doesn't live here anymore" de Scorcese. Cet établissement éminemment respectable du centre ville de Tucson a pignon sur la rue principale, Congress street, depuis 40 ou 50 ou 60 ans. De l'extérieur, c'est un bâtiment impressionnant. Sur une façade, trois rangées de fenêtres aveugles, renfoncements beige dans un mur marron/bordeaux d'une hauteur de 15 mêtres qui donne sur un parking. Sur la façade est, le long de la 6ème avenue, se trouve un mural: des aztèques émergent d'un trou en simili briques, colorés, masqués, sur un fond de corne d'abondance. Sur la façade Congress, en face du cinéma art et essai de la ville et d'un petit théâtre discret, c'est l'entrée du store. Des vitrines, à l'intérieur desquelles sont entassés des batteries, des toms, des partitions, des pianos, des guitares. La porte vitrée à un battant, aveuglée par des réclames de méga discount, est encadrée par un piano droit, une colonne de cartons à guitare et un pilier de rue, un vieux type qui a dû perdre le nord il y a une ou deux guerres. Une fois franchi le pas de la porte, on est déja perdu. Deux cerbères, le fils du proprio et le proprio, vous dévisagent, vous gaugent en une fraction de mesure. Vous pénétrez dans leur royaume, vous serez à leur merci. Ce sont les rois du marchandage. Mais, avant, vous voilà héberlués par le volume de l'endroit. Depuis le plancher jusqu'au lointain plafond, ce sont des centaines d'amplis à gauche, des milliers de guitares à droite, des tunnels qui s'ouvrent devant vous au fur et à mesure que vous vous hasardez à suivre votre instinct de brocanteur. Au fond de cette première pièce, une autre plus petite, avec, derrière un comptoir ruisselant de partitions, de bouts de fers, de bois rares, deux cowboys vétustes, les Docs' Ingres de la réparation. Aprés leur avoir adressé vos salutations respectueuses (là bas, ça se dit avec la main droite, en la levant lentement, l'index et le majeur joints, le geste cool par excellence), vous pouvez grimper à l'entre-étage où s'entassent des centaines de boîtes de tout âge et provenance, vous pouvez continuer jusqu'au dernier étage, le domaine de la batterie d'occas', caisses sur caisses, cymbales en colonnes jusqu'au plafond... ou vous pouvez descendre voir Rainer dans son royaume. Rainer travaille au Chicago Store. Il répare les guitares. Il est le meilleur. Howe et Rainer passent des heures ensemble. Au Chicago Store ou dans le micro-studio chez Howe.

6. Je sais bien que c'est le style de reportage qui veut ça, mais est-ce que ce n'est pas un peu frustrant de réaliser un reportage sur un groupe de musique sans pouvoir y glisser quelques morceaux joués en entier ? N'aurais-tu pas envie de réaliser un 2e film sur un enregistrement studio ou un concert de Giant Sand ?

A la question de savoir si c'était frustrant de faire un film sur un groupe de musique sans y glisser un seul morceau de leur répertoire en entier... je répondrais par non. Hormis les quelques plages musicales de répétition, les improv' de "chauffe" prises en studio ou chez Joey, Drunken Bees s'articule autour d'un seul et même morceau, que j'appelle "Psycho Soul". On le retrouve dans sa version studio et live sur la scène de Hotel Congress. Des quelques 26 heures tournées, je dois dire que j'ai pêché gravement côté son, par absence d'ingénieur du son. La logique de tournage petite équipe-quasi zéro budget-son caméra Hi-8mm m'a joué un sale tour. Peut-être parce que je ne suis pas musicienne, peut-être parce que ce qui m'a toujours attiré dans Giant Sand, c'est leur "univers", son côté "plastique", visuel, ses mises-en-scènes et les textes impayables de poérésie Howeinne. J'ai vu le film avant de le faire, je ne l'entendais pas. Ce que la caméra a capté sur ses quelques petits millimètres de bande a constitué la bande son du film. Pas un seul morceau qui ne soit tiré d'un CD ou d'un enregistrement live. Si j'avais à refaire Drunken Bees, je ne me lancerais pas dans le tournage sans ingé' son c'est sûr. Quand à savoir si j'aimerais filmer autre chose... je le saurai à mon retour à Tucson dans quelques mois. Si ça doit se faire, ça se fera... Faut dire que Drunken Bees est l'aboutissement d'une série de vidéos ou films avec le groupe. Il y a eu mes premiers essais S8mm à Los Angeles en 89, une collaboration sur la vidéo de "Searchlight" filmée à Nipton et sur le lac de sel de Las Vegas, des concerts filmés à Tucson au fil des années et la "maquette", une vidéo faite en quelques jours en attendant le budget de "Drunken Bees". Donc, c'est un peu comme la fin d'un cycle. Faut dire aussi que je repars m'installer à Tucson avec deux musiciens français, Naïm Amor et Thomas Belhom, anciennement du groupe Witches Valley et Génération Chaos/Les Périphériques Vous Parlent. Ils ont déja eu l'occasion de jouer et d'enregistrer avec Joey Burns (entre autres sur des chansons que j'ai écrites et chantés avec eux... mon premier et trés probablement dernier essai de chant).

7. Avais-tu réalisé d'autres films auparavant ? As-tu d'autres projets de films ???

Ce qui m'amène à répondre à ta question sur mes autres films, sur mes projets. J'ai co-fabriqué un documentaire d'une heure pour la chaîne publique américaine PBS sur Robbie Conal, peintre/artiste "politique" de Los Angeles. Ses peintures à l'huile représentent les pires hommes politiques et figures américaines: George Bush, Ronald Reagan, le chef de la police de Los Angeles... Conal en tire des milliers d'affiches, acides, critiques, toujours drôles, qu'il placarde ensuite, avec son "art police" de volontaires et amis, sur les murs des grandes villes américaines: washington (devant la maison blanche par exemple), New York (soho en particulier), LA (partout), San Francisco.... A cette époque, j'ai bossé avec Gregg Araki (j'étais ingénieur du son sur "Totally F**ed Up" !) Aprés, c'était la distribution en France des cinq longs-métrages des "Inédits d'Amérique", que j'avais repêrés depuis Los Angeles dans les festivals où circulaient mes courts-métrages. Une belle expérience, dans le sens où nous inventions pour et par nous même le métier de distributeur cinéma. Aprés "Drunken Bees" et des performances/solos que j'ai conçues/jouées à Tucson, j'ai tourné quelques temps autour d'un groupe parisien assez particulier, Génération Chaos et Les Périphériques Vous Parlent. Surtout pas un groupe de musique ou de théâtre, le groupe se définit comme un laboratoire de recherche, formation et production alliant la réflexion à l'expérimentation pour le développement de la personnalité au travers d'outils de scène comme la théâtralité et la musique. Leur but: de nouvelles pratiques citoyennes et culturelles, des "spectacles" qui sont avant tout des catalystes d'échanges et de discussions, et surtout pas du spectacle. Leur dernière production est une saynete de 20 minutes, "Citoyens En France", qu'ils ont joué en première partie de Noir Désir à Toulon, à Strasbourg lors des journées anti-FN de mars dernier, à la coopérative de Longo Maï dans les Alpes de Haute-Provence lors des journées du Forum Civique Européen et des Fora des Villages du Monde. Pendant deux ans, j'ai photographié leurs activités et parfois filmé leurs productions. J'avais le projet de les faire venir aux Etats-Unis, de faire de cette tournée américaine un film, mais ça, c'était vachement compliqué. Je me suis cassé les dents pendant deux ans sur le financement de cette expédition. Entretemps, un autre projet de film s'est concrêtisé. J'ai réalisé un documentaire pour Planète Cable, "Low Y Cool", diffusé le 22-26 septembre 97 sur la chaîne. Tourné à Tucson, avec el mythic Robert Kramer à la caméra, il y est question d'intégration, d'identité (LA grande question américaine), de relations entre communautés, tout ça sur toile de fond de mes aventures avec un club de vélos lowriders de la communauté mexicaine-américaine de la ville, et de nos difficiles relations avec un groupe d'activistes chicanos, militants hyper-nationalistes de la cause de "la raza" et entièrement opposé à l'idée qu'une équipe de tournage française filme l'un des joyaux de la culture chicano, le lowrider. Ceci compliqué par le fait que je fais partie d'un de ces clubs de lowriders depuis plus de deux ans. Quand aux projets, comme je disais plus haut, un travail avec Naïm Amor et Thomas Belhom, sur la musique et les arts de l'image comme outil pédagogique. Peut-être un film sur leur travail, sur leur acclimation à l'Amérique. Je veux aussi monter une association pour "faciliter" les échanges "culturels" entre la France et les Etats-Unis, association dont le principal objectif sera justement de réfléchir sur et redéfinir la notion même d'échange culturel entre les deux continents. On passera sur le web avec ce projet, je pense. Sinon, Naïm et Thomas tournent en octobre en France, et en Février 98, sous le nom de Duo, à écouter prochainement dans un club près de chez vous...


Until the OP8 album came out and the group toured France, France was a no man's land for Giant Sand. And yet, it is a French director, Marianne Dissard, who put out in 1996 a film about Giant Sand called "Drunken bees".

Here is the mail interview she gave us in september 1997, with the added bonus - for those who haven't had the chance to see the movie (I bought my own copy on video at CD Now) - of the complete transcript of the dialogues of the film, in French and in English.



Drunken Bees : transcription complète

Drunken Bees : complete transcript
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