2001 : UNE HOWEDYSSEE MUSICALE

Pour diverses raisons, près de cinq ans s'étaient écoulés entre la parution de "Glum" et celle de "Chore of enchantment", les deux derniers albums studio officiels de Giant Sand. L'intervalle n'avait été ponctué que par la parution de deux albums live, d'un pirate officiel et de l'album d'OP8 (passons sur les deux Calexico et la compile en hommage à Rainer, "The inner flame"). Pour Giant Sand, on peut considérer que c'est peu ! Mais comme apparemment, outre des problèmes de maison de disques, cette période couvrait en partie un "blocage créatif" de Howe Gelb suite à la mort de son ami Rainer , ce n'est pas si mal. Mais, de mars 2000 à mars 2001, les fans insatiables de Howe et ses amis ont été comblés par la sortie de pas moins de six albums, accompagnés de deux tournées européennes. Une profusion sur laquelle nous allons revenir rapidement, notamment pour permettre à ceux qui n'auraient pas tout suivi de s'y retrouver et de faire leur choix. On commencera donc par l'issue heureuse de la sortie de "Chore of enchantment", refusé par V2 pendant l'été 1999, qui sort finalement pendant l'hiver 2000 (chez Thrill Jockey et Loose). Un album essentiel de la discographie Giant Sand que tout lecteur de ces lignes se doit de connaître ! Immédiatement, en avril 2000, Giant Sand sort le deuxième volume de sa collection de pirates officiels, "The rock opera years". Un véritable album 14 titres, qui reprend notamment des chansons de "Chore" dans leur version datant des premières sessions de l'album, à Tucson avec John Parish, mais qui contient également des inédits, dont l'excellente reprise de "Music arcade" de Neil Young (album "Broken arrow"), enregistrée en 95 avec Evan Dando et Victoria Williams. Nombreux sont ceux qui considèrent cet album comme étant aussi bon que "Chore of enchantment". Il est disponible sur giantsand.com. Pas de sorties ensuite pendant l'été, mais Howe est à l'origine, avec sa veuve Patti, de la réédition des albums de Rainer chez Glitterhouse, et surtout de l'édition de deux albums inédits, le studio "Alpaca lips" et le chef d'oeuvre qu'est l'album live solo "Live at the performance center". Et sur son micro-label Ow Om, il nous fait découvrir le premier album de M. Ward, "Duet for guitars # 2", avant sa sortie en Europe chez 62 TV / Les disques Mange-Tout. A l'automne, toujours sur Ow Om et toujours à la vente par correspondance sur giantsand.com, Howe édite "Upside (down) home 2000", son deuxième album solo non-officiel, le premier étant un CD-R qu'il avait vendu lors d'une tournée américaine il y a quelques années sous le titre "Upside (down) home". Enregistré à la maison, comme "Hisser", "Upside (down) home 2000" propose une paire de versions de vieux titres de Giant Sand ("Horses still coming" et "Yer ropes") proches de celles qu'il joue live en solo, des versions de titres qu'on trouve ou trouvera ailleurs ("Blue marble girl", "Dispatch") et quelques très bons inédits ("Actual desert, rose", "Dear diary", "Tender trap",...). L'année 2001 a commencé sur le même rythme. En Europe, Loose et Glitterhouse ont édité "Hisser", deuxième album solo officiel de Howe, sorti chez V2, pendant l'été 1998 aux USA (voir Vivonzeureux! n° 5), puis avec trois titres en plus en 1999, en Scandinavie et au Bénélux. Dans la foulée, Loose et V2 ont édité la troisième compilation best-of de Giant Sand, "Selections circa 1990-2000", la plus intéressante car elle couvre la période de mâturité du groupe, de "Sage advice" et "Ramp" à "Chore", avec quelques raretés (dont "Music arcade") et un excellent inédit, "Remain distorted". Et fin mars, c'est "Confluence", le troisième solo de Howe, qui sortait, chez Thrill Jockey et Loose. Enregistré plus en studio qu'à la maison, contrairement à "Hisser", "Confluence" poursuit la chronique de la vie musicale de Howe, avec des titres qu'il joue parfois sur scène depuis longtemps, des versions de titres déjà enregistrés, et de nombreuses collaborations avec des amis (Joey Burns, John Convertino, John Parish, Candie Prune, Grandaddy, Kevin Salem,...), pas étonnant car, comme le dit Howe quelque part au moment de la sortie de "Confluence" : "enregistrer ça sert avant tout à avoir une plutôt bonne raison de passer du temps avec la famille d'amis éparpillés dans le monde"... Pour clore ce chapitre discographique, notons qu'un album au piano (Howe joue très bien du piano...) est annoncé chez Thrill Jockey pour le mois d'août ("Lull, some piano"), et que le "Remain distorted" dont on parlait est extrait d' "Unsunglum", le troisième pirate officiel, à paraître chez Ow Om incessamment sous peu depuis des mois (et je ne vous parle de l'excellente Sandman series !).

Mais la musique, c'est des disques, mais c'est aussi des concerts, et les fans ont été servis à ce sujet, puisque les tournées se succèdent presque sans arrêt depuis la fin 1999, des deux côtés de l'Atlantique. Ca a commencé par les retrouvailles du trio "fixe" de Giant Sand aux USA, puis, au printemps 2000, la folle tournée Giant Sand / Howe Gelb / Calexico : tournée en quartet (avec Nick Luca aux claviers), puis deux tournées : Howe en solo et Calexico. Même à formation fixe, Giant Sand a montré une fois de plus sur cette tournée que l'ambiance de ses concerts pouvait varier d'un concert à l'autre : très rock électrique dans la fournaise du Paradiso à Amsterdam, complètement décousu, plus acoustique et délirant le lendemain à Utrecht, pour un concert (débutant et se terminant par une reprise de "Just like a woman" de Dylan) qui marquait la fin de la tournée commune. En solo dès le lendemain ou presque, Howe passe de la guitare au piano, tout en utilisant toujours à merveille son walkman et son sampler à pédale. Une session pour "Radio 3" à Madrid, devant un public de collégiennes et un collégien, le montre en pleine forme, pour un concert calme et détendu. De retour aux USA, Giant Sand et Howe passent l'été à préparer les futures sorties, mais donnent régulièrement des concerts à Tucson, à Solar culture et pour la radio KXCI, dont l'animateur Jim Blackwood est désigné "archiviste officiel" du groupe (Bon courage, Jim !). A l'automne, tout d'abord un petit coup au coeur quand Le Monde consacre une pleine page à Giant Sand et à la scène de Tucson (ça m'avait fait la même chose avec Alan McGee et Creation il y a quelques années. "Le Monde" n'est peut-être plus aussi guindé que par le passé, mais ça fait toujours plaisir de voir une institution "fêter" quelqu'un qu'on soutient...) Puis, nous avons eu droit à une nouvelle tournée de Giant Sand, qu'on pourrait presque appeler la tournée "super groupe" puisque, au trio Gelb/Burns/Convertino, se joignent Matt Ward à la lap steel, Candie Prune aux choeurs/basse/guitare, et John Parish à la guitare pour les dates françaises. Les concerts évoluent en conséquence (plus de bibouillages au walkman), mais restent variés. A Reims, le groupe donne à la FNAC un superbe set acoustique en fin d'après-midi, avant de donner un concert beaucoup plus électrique le soir à la MJC Claudel. A Nantes, quelques jours plus tard, le groupe sera même rejoint sur scène pour un titre, une reprise de "The beat goes on" par Sonny and Cher, par Tom Larkins, l'actuel batteur de Jonathan Richman, mais surtout un ex-Naked Prey et le premier batteur de Giant Sand. A l'automne, Howe a également participé à Londres aux célébrations du dixième anniversaire de City Slang, rejoignant Kurt Wagner de Lambchop et Calexico sur scène. Pour ne pas s'arrêter en si bon chemin, Giant Sand a été invité en première partie de la tournée européenne de P.J. Harvey en février 2001 (au printemps, c'est P.J. Harvey, elle-même en première partie de U2 aux USA, qui s'arrangera pour venir rejoindre Giant Sand sur scène à Tucson, pour un mémorable concert de soutien à KXCI). Howe avait annoncé au préalable, et ça n'aura été une surprise pour personne vu l'activité de Calexico, que Giant Sand était désormais composé de lui-même et de qui pouvait être là à un moment donné. Sous-entendu : Joey et John ne sont plus des membres permanents du groupe. Ce qui fut confirmé au cours de la tournée, commencée avec Joey et John, relayés ensuite par Jim Fairchild et Aaron Burtch de Grandaddy, et Saholy et Laureline de Candie Prune. Une année on ne peut plus remplie, donc, pour Howe Gelb, qui prouve si besoin était qu'il respire et vit son art à chaque instant. Ce qui explique peut-être qu'il le fasse de façon aussi peu ostentatoire qu'on en oublierait presque parfois qu'on a affaire à un créateur accompli. Et c'est sûrement cette absence de "pose" artistique qui l'aide à rester chaleureux et accessible, et l'encourage à diffuser ses créations par tous les moyens possibles. Pol Dodu, mai 2001, revu en août 2001.

je veux retourner à la maison!