Cet article a été écrit en 1996. En 1999, la
discographie complète du label avait été mise en ligne
à l'adresse suivante : http://www.roughtrade.music.co.uk/discog.htm
Elle était plutôt bien faite, plus complète que celle
qui suit, avec possibilité de la consulter par artiste ou par ordre
de publication, et avec de nombreux liens sur les pages des groupes concernés.
C'est bien sûr cette discographie qui faisait autorité en cas
de différence avec ce qui suit ! Mais elle n'est plus disponible en
ligne à ce jour (septembre 2005). Outre la discographie Rough trade
de Vivonzeureux!, nous ne pouvons plus vous conseilletr que celle de Perfect
Sound Forever (format DOC), très complète et disponible
ici : www.furious.com/perfect/rt.doc
3 mai 2009 : pour tout savoir sur Rough Trade, vous pouvez regarder
le
documentaire de 90 mn diffusé par la BBC, "Do it yourself : The
story of Rough Trade".
25 mai 2009 : L'adresse originale de la boutique Rough Trade était
en fait "202 Kensington Park Road", comme indiqué ici,
pas sur Westbourne Park Road comme indiqué dans l'article original
ci-dessous.
Cette année, on fête les 20 ans du magasin
Rough Trade de Londres. Un magasin qui existe toujours à Londres,
même s'il a déménagé depuis l'origine, et qui
a même essaimé, à Londres même, et en franchise
à Paris et au Japon.
Mais surtout, ce magasin a donné naissance tout à la fin de
l'année 1977 au label Rough Trade Records, puis indi-rectement à
toute l'industrie "indépendante" anglaise dans les années
80. Le magasin continue peinardement d'être un des meileurs repaires
pour les fouineurs indécrottables, mais le label, comme beaucoup
de ses confrères (Factory, New Rose, Danceteria) a fait faillite
en 91, avant de renaître sous le nom Rough Trade Recordings en 1992
pour une seconde vie beaucoup plus calme.
Heureusement, il nous reste les disques, ce qui permet, avec le recul, et
simplement en regardant la liste de ce que Rough Trade a publié,
de juger de l'importance qu'a pu avoir cette maison de disques créée
par Geoff Travis.
Les livres d'histoire du punk nous expliquent que le premier label DIY (Faites-le
vous même), c'est New Hormones Records, créé par Richard
Boon pour sortir le Spiral Scratch des Buzzcocks en 76. Mais ce qui est
sûr, c'est que Rough Trade a été le premier gros indépendant
de la new-wave. Il a émergé fin 77 de l'arrière-boutique
du magasin, dans une ambiance post-hippie communautaire et militante (visiblement,
les gens qui ont gravité autour de Rough Trade étaient tout
sauf des punks, et le côté auto-gestionnaire du label se ressentait
encore en 1985 dans le ton des notes de service sur les panneaux d'affichage,
à une époque où le label avait pris une toute autre
ampleur), mais sous la houlette d'un patron bien identifié, Geoff
Travis, qui a produit ou co-produit artistiquement nombre des productions
de Rough Trade.
Bref, tout a commencé en 76, avec une boutique situé dans
le quartier de Portobello, à quelques centaines de mètres
de la boutique actuelle (je crois me souvenir que c'était dans Westbourne
Park Road). Bizarrement, la boutique était signalée de l'extérieur
par une grande roue en bois, style roue de chariot. Par contre, comme il
se doit, les murs à l'intérieur (au moins quand j'ai commencé
à visiter la boutique en 81) étaient tapissés de pochettes
de 45t (j'en connais beaucoup qui auraient payé cher pour avoir toutes
ces pochettes avec les disques correspondants dans leur discothèque
!). Visiblement, comme la boutique était bien achalandée et
portée sur les productions obscures, elle a attiré vers elle
à la fois les groupes qui cherchaient à diffuser leurs productions
(voir interview Eric Debris par exemple) et les
fans de punk et de new-wave (réécoutez 'Part-time punks' de
Television Personalities !).
On suppose qu'après un peu plus d'un an d'existence (et quelle année
: 1976-77 !!), l'idée et l'envie leur sont venus d'éditer
les groupes qui leur plaisaient leur plus ou d'offrir une meilleure diffusion
à certains disques sortis sur des micro-labels. C'est ainsi que les
premières productions de Rough Trade alterneront des 'nouveautés'
complètes (Métal Urbain, Monochrome
Set, Subway Sect,...) et des 'rééditions' (Stiff Little Fingers,
Swell Maps, Kleenex, TV Personalities,).
On ne peut pas dire que Rough Trade ait été un label punk,
vu sa date de naissance et vu surtout les disques qui portent son étiquette.
La variété des styles (les premières parutions enchaînent
un 45 t de punk, un de reggae dub, un de musique électronique), la
recherche constante de sons et de styles nouveaux en font peut-être
le premier et le plus grand des labels de new-wave qui, à la différence
de Factory, de Postcard ou de Fast, n'aura jamais ni une image ni un son
trop clairement définis. Pourtant, très vite, Rough Trade
va faire connaître ceux qui seront les piliers de l'esprit Rough Trade
: les Swell Maps, les Raincoats, Scritti Politti, Essential Logic, Spizz,
dont le nom reste directement associé aux débuts de Rough
Trade, mais aussi The Fall, Cabaret Voltaire, The Monochrome Set, et tous
ceux qui ont continué leur carrière sur de nombreux autres
labels.
La production du label a tout de suite été très conséquente
: plus d'un 45 t par mois en 78, plus de deux par mois en 79 et un album
par mois en 1980. Mais on imagine bien que, aussi bien sur les enregistrements
que sur la quantité pressée et la promo, les budgets étaient
réduits au minimum. D'ailleurs, de nombreux enregistrements des débuts
sont réalisés au studio Berry St, avec le même ingénieur
du son (Adam 'Skipper' Kidron) et souvent avec comme producteur Geoff Travis
et Mayo Thompson, l'américain transfuge de The Red Crayola.
Dans toute cette production, il n'y a pas que des anglais, puisque, outre
les français de Métal Urbain/Dr Mix et les américains
Red Crayola, on note les suisses de Kleenex/Liliput, le 1er single des Feelies
(versions différentes de celles du 1er album), les réfugiés
Pere Ubu, le Panther Burns de Tav Falco, etc.
Mais évidemment, si de nombreux artistes Rough Trade sont désormais
ou connus, ou à tout le moins réputés (voire légendaires
!), on est parfois pris de vertige quand on regarde la liste des quelques
150 singles édités par Rough Trade : il y a des noms pour
le moins inconnus, voire exotiques : File Under Pop, Cult Figures, The Last
Word, The Pack, Plastics, The Prefects, The Prats, Furious Pig, Zounds,
Mark Beer, Tan Tan, David Gamson, Cosmetic, World Service, Jazzateers, Et
on peut n'être que moyennement rassuré d'apprendre que derrière
l'un de ces groupes se cache, par exemple, le premier groupe de Kirk Brandon
(futur Theater of Hate et Spear of Destiny).
Petit à petit, exactement de la même façon que cela
s'est produit en France, à quelques années d'écart
pour le magasin, le label et le système de distribution New Rose,
le label Rough Trade s'est développé, puis a développé
un système de distribution de disques indépendant, qui était
inexistant et faisait cruellement défaut au début des années
80. Rough Trade, avec quelques autres (Mute, Factory, Fast, Red Rhino, etc),
permettait tout simplement aux touts petits labels d'exister, en gérant
quasiment tout le processus de fabrication et de distribution : mastering,
pressage, impression des pochettes, stockage des disques, distribution,).
Tout cela a bien fonctionné et a pris de l'ampleur. Les charts indépendants
se sont développés. Les circuits de concerts et de fanzines
se développaient. Les majors signaient régulièrement
les groupes indépendants qui leur paraissaient les plus intéressants,
comme cela s'est toujours fait de tout temps. paradoxalement, c'est peut-être
l'immense succès des Smiths, et le fait qu'ils soient restés
chez Rough Trade, qui peut expliquer la chute du système Rough Trade
à la fin des années 80.
L'arrivée des Smiths avec 'Hand in glove' marquait déjà
un premier changement (C'est pourquoi c'est cette parution qui a été
choisie, à quelques exceptions immanquables près, comme date
butoir pour la publication de la discographie ci-jointe). En effet, pour
la première fois, Rough Trade a signé d'emblée un contrat
long avec The Smiths, et il semble que, avec le succès presque instantané
des Smiths, qui a également provoqué des changements dans
le fonctionnement du label (campagnes de pub, choix des singles, attaque
des charts, etc), le label se soit emballé : changement de locaux,
multiplication du nombre de sorties de disques, etc).
Au milieu des années 80, Rough Trade était devenu ce qu'il
n'aurait jamais dû être : une major dans le monde des indépendants.
Et, comme la proverbiale grenouille et son boeuf, Rough Trade en est mort:
sa philosophie, son passé, son organisation ne l'avaient pas préparé
à la gestion drastique et purement économique d'une entreprise.
Les choses ont fonctionné de moins en moins bien, les Smiths ont
fini par ne plus rapporter assez d'argent pour faire fonctionner toute la
structure, quelques gros labels, dont Creation, ont quitté Rough
Trade Distribution avec pertes et fracas, puis ce fut la faillite.
Les boutiques, finan-cièrement indépendantes, ont continué
sans problème, et Geoff Travis est plus que jamais présent
dans le milieu du rock anglais, à la tête du 2ème label
Rough Trade, manager de petits groupes sans avenir comme Pulp, et peut-être
même toujours directeur d'un label comme Blanco Y Negro.
Quant au deuxième label Rough Trade (créé en septembre
1992, il compte déjà à son catalogue Giant Sand, Vulgar
Boatmen, The Bats, Shrimp Boat, The Boo Radleys, Spring Heel Jack, et même
The Raincoats. Comme quoi Geoff Travis n'a pas perdu la main !
Cependant, au printemps 96, il a revendu Rough Trade Recordings à
la firme Mayking (presseur de disques). Ce label continue sa vie, mais Geoff
Travis est déjà reparti pour une nouvelle aventure, le label
Trade 2, filiale d'Island.
Les liens vers les différents sites Rough Trade :
Le successeur
de Rough Trade Records